Que le conjoint soit impliqué ou non dans la vie de la société, celle-ci peut être considérablement impactée par la séparation de son dirigeant. En cas de divorce en effet, si l’entreprise est un bien commun, le conjoint est en droit d’en réclamer la moitié de sa valeur. Alors comment anticiper pour éviter que l’épreuve personnelle ne déborde pas trop dans la sphère pro ?
Divorce de l’entrepreneur, dans quels cas l’entreprise peut-elle faire être divisée entre les conjoints ?
Sans contrat de mariage établit entre les époux, c’est le régime de la communauté réduite aux acquêts qui s’applique par défaut. Dans ce régime, tous les biens acquis par les époux pendant le mariage sont réputés communs (appartenant à 50-50 au deux époux). Si l’un des membres du couple créé son entreprise pendant le mariage, celle-ci est considérée comme un bien commun et peut donc faire l’objet d’une répartition entre les conjoints.
Dans les faits, le ou la dirigeant(e) devra transmettre la moitié de ses titres à son ex-conjoint(e) ou à défaut, une somme d’argent représentant la moitié de la valeur de la société à son ex-conjoint(e). Dans le cas où le montant ne peut être versé par le dirigeant, l’entreprise peut être vendue pour indemniser le conjoint.
Dans quel cas ce scenario peut-il s’appliquer à votre situation ?
En cas de séparation du dirigeant, on distingue 3 cas de figure :
- Si votre entreprise a été créée avant le mariage: le conjoint de l’exploitant n’a en principe aucun droit sur l’entreprise. Mais attention, cela ne protège pas ce dernier des difficultés entraînées par le versement d’une prestation compensatoire (ce point sera abordé plus loin).
- L’entreprise a été créée ou acquise au cours du mariage, avec les deniers du couple : dans ce cas, le conjoint non exploitant a droit à la moitié de la valeur de l’entreprise, du fonds de commerce s’il y a lieu et des titres, actions ou parts sociales s’il s’agit d’une société.
- Lorsque l’entreprise est créée au cours du mariage mais avec les deniers personnel du conjoint exploitant : l’entreprise peut également « tomber dans la communauté » en cas de divorce. En effet, la simple acquisition avec des fonds propres ne suffit pas pour que celle-ci ait la qualité de bien propre. Il en va de même pour l’entreprise créée par l’un des conjoints. Le dirigeant devra donc, pour anticiper une éventuelle séparation, recourir à une clause de remploi de denier propre, pour confirmer l’origine du bien pour que le conjoint n’ait aucun droit sur l’entreprise.
Anticiper le risque de séparation du dirigeant : quel est le bon régime matrimonial ?
Comme on l’a vu précédemment, l’application du régime matrimonial par défaut (communauté réduite aux acquêts) a une incidence importante sur le devenir de l’entreprise en cas de séparation du dirigeant.
Au contraire lorsque le dirigeant fait le choix du régime la séparation de biens (avec contrat de mariage), les biens appartiennent à l’un ou l’autre des conjoints, sans amalgame possible. Ce régime matrimonial convient donc bien aux couples dont l’un des conjoints souhaite créer sa propre entreprise car l’entière propriété de celle-ci ne pourra être remise en cause lors d’une séparation du dirigeant. A condition toutefois que les conjoints ne soient pas engagés solidairement, notamment s’ils ont acquis un bien en indivision ou signés un acte de caution solidaire (auprès d’une banque par exemple).
Le choix d’un régime matrimonial n’est jamais à prendre à la légère bien entendu, mais pour vous dirigeants, il est encore plus engageant. D’autant plus qu’indépendamment de la question d’une éventuelle séparation, ce choix sera également crucial pour prémunir vos biens en cas de difficultés et dettes de l’entreprise. Voir à ce propos dans quels cas les dirigeants doivent opter pour un régime matrimonial en séparation de biens.
Séparation du dirigeant, quel est l’impact de la prestation compensatoire ?
Pour le ou la dirigeant(e) qui a créé sa structure à la sueur de son front, il est d’autant plus difficile de vivre une séparation lorsque celle-ci remet en plus en question la propriété de cette entreprise qui représente tant d’efforts et d’investissements.
C’est pourquoi la question de l’ajustement du régime matrimonial doit être abordée dans les quelques mois qui suivent la création. Toutefois, même en ayant pris ses précautions, la séparation du couple peut malgré tout impacter la bonne marche de l’entreprise.
En effet, le ou la conjoint(e) exploitant(e) peut être contraint à verser une prestation compensatoire à son ex-conjoint. Celle-ci vient compenser la disparité financière que la rupture du mariage entraîne entre les époux.
En cas de divorce par consentement mutuel, le montant de cette prestation est fixé par une convention entre les ex-conjoints. En l’absence d’accord, c’est le juge aux affaires familiales (« JAF ») qui tranchera.
Pour l’exploitant(e) dont le conjoint a parfois mis sa propre carrière entre parenthèse pour lui donner plus de latitude dans le développement de son entreprise, le calcul de cette prestation compensatoire peut se révéler très pénalisant.
Le juge peut en effet tenir compte du déséquilibre et fixer un montant compensatoire important. De même lorsque le ou la conjoint(e) a collaboré sans rémunération dans l’entreprise.
Dans ce cas, le montant à reverser est à ce point élevé que le dirigeant est contraint de dégager de la trésorerie de l’entreprise ou encore à vendre des actifs ou des parts de la société.
Autre cas critique, lorsque la séparation du dirigeant incite son ex-conjoint à prendre part à la vie de l’entreprise alors qu’il ne le faisait pas jusqu’à présent… une situation excessivement complexe mais malheureusement pas rarissime. Celle-ci sera assez inextricable à moins de prendre encore une fois quelques précautions…
Comment éviter que le conjoint du dirigeant s’implique dans la gestion de l’entreprise ?
En cas de divorce contentieux, l’ex-conjoint du dirigeant peut revendiquer sa qualité d’associé pour 50 % des parts financées par le couple*. Jusqu’au jugement définitif du divorce, il est donc, au même titre que tout associé, partie prenante de la vie de l’entreprise.
Pour éviter une situation souvent très complexe et d’autant plus délicate qu’en cas de répartition à 50/50 en l’absence d’autres associés, toute prise de décision sera bloquée, une clause d’agrément est vivement recommandée. Elle est intégrée aux statuts de la société et permet à la création de l’entreprise et même plus tard de faire signer au conjoint une lettre de renonciation à la qualité d’associé. Celle-ci l’empêchant de facto de toute velléité d’ingérence dans la société. Attention, cette clause d’agrément permet uniquement d’éviter que l’ex-conjoint(e) acquiert la qualité d’associé au titre de la moitié des parts sociales de l’entreprise mais ne remet pas en cause le versement de la contrepartie en numéraire. Cette clause est souvent utilisée lorsque la société est composée de plusieurs associés.
En effet, les associés déjà en place ne souhaite pas nécessairement s’associer avec l’ex-conjoint(e) qui pourrait instaurer un climat conflictuel au sein de la société.
Le conseil de nos experts comptables pour limiter les effets de la séparation du dirigeant d’entreprise
S’il est bien sûr délicat d’aborder la question d’une éventuelle séparation au moment de se marier, il est à notre sens du devoir de l’entrepreneur de se poser la question du devenir de son activité.
Quel que soit le moment où intervient la création de l’entreprise (avant ou après le mariage), il est impératif de s’interroger sur les mesures à prendre, à la fois pour sécuriser l’entreprise, son activité et ses salariés, mais également à l’inverse pour préserver les biens du couple et du conjoint en cas de difficultés de l’entreprise.
Si le secours d’un avocat spécialiste se révèle indispensable dès qu’une séparation du dirigeant est envisagée, il nous semble tout aussi indispensable à la création de l’activité. Celui-ci pourra vous conseiller les meilleures options au regard de votre situation, et d’autant plus lors d’une création d’entreprise en couple !
* Cf. Article 1382 du Code civil.